Les ateliers mécaniques :
Nous finissons la visite, au rez-de-jardin, dans des odeurs de lubrifiants d’autrefois, on peut observer des machines du début du XXe siècle récupérées dans les années 1980.
L’atelier de dentelle aux fuseaux mécaniques est installé dans la fabrique de dentelles Calire Experton & Cie en 1984. Ses métiers sont de fabrication locale ou allemande et datent pour la plupart des années 1920-1930/ La fabrique ferme définitivement en 1997.
La dentelle mécanique concurrence la dentelle main dont elle imite les points, notamment dans son importante production de métrages étroits. Dans les années 1920, se développe une production originale de dentelles de style Art-déco. Des champs particuliers sont ensuite investis : fabrication des bigoudis, des filets à saucisson, des dessus de chaussures. Si la plus grande partie de la production française de dentelles mécaniques se fait aujourd’hui dans le Nord, les entreprises de Haute-Loire fournissent des couturiers de prêt à porter et de haute couture, en France ou à l’étranger.
Les métiers circulaires fonctionnent sur un principe de tresse (et non de tissage comme la plupart des machines textiles). Le mouvement des fuseaux entrecroise les fils. Les déplacements sont commandés par la mécanique Jacquard et ses cartes perforées. Au centre du métier, les crisements sont serrés par des couteaux battant régulièrement. La dentelle sort en tube refermé par des fils colorés provisoires. Les sept m&tiers présentés ici sont installés sous la conduite de Daniel Vidal, des mécaniques Vidal.
On trouve des métiers à dentelle mécanique de 112, 88, 60, 48,44 et 40 fuseaux. Sur les mises en cartes, les modèles de dentelles sont transportées à la technique mécanique : chaque point ou croix correspond au déplacement d'un fuseau. L'adaptation d'un dessin de dentelle à la mécanisation est assez difficile, la mise en carte nécessissant un apprentissage technique particulier. En conséquence, certains ateliers fonctionnaient avec un stock de mises cartes acquis en même temps que les machines. Les machines à perforer les cartes sont nommées "piano". Une par une, les bandes de carton sont introduites sur un chariot mobile actionné par une pédale. La perforation est commandée par des touches et se fait en suivant la mise en carte affichée sur le haut piano.
"L'échelle" est une structure métallique qui reçoit les lames de carte Jacquard à la mesure de leur perforation sur le piano. Une fois qu'elle est remplie, les lames perforées sont cousues ensemble.Chaque rouleau correspond à un modèle facilement identifiable grâce à l'échantillon de dentelle qui dépasse.
Au centre du métier, le dentelle se forme autour du mandrin cylindrique. Leur taille varie en fonction de la largeur de la dentelle.
Ici figurent quelques pièces résultantes de ces mécanismes, dont des bigoudis réalisés en fils plastique.
Les productions :
Tout au long du XIX° siècle, la dentelle est surtout destinée à l’habillement. Par ailleurs, le linge liturgique reste une production régulière jusqu’aux années 1960.
Dès 1880, les fabricants s’orientent vers l’ameublement (nappes, stores, dessus de lit…). Ce linge dit « anglais » est exporté dans l’Empire colonial britannique et aux Etats-Unis, jusque vers 1930. La dévaluation de livre sterling et l’augmentation des droits de douanes à l’exportation conduisent à l’effondrement du marché.
En France, la mode est à la dentelle style Art-déco mais le marché du linge anglais étant perdu, de nombreux fabricants ferment leurs portes. D’autres se tournent vers de nouvelles productions de linge de maison utilisant des motifs de fleurs des champs. Cette mode cesse dans les années 1960. Aucun style ne prendra la relève par la suite.
Plus loin, l'exposition de Karine Proriol, dont l'œuvre a démarré et clôture maintenant ces billets sur le musée de la dentelle de Retournac. Au passage, on peut voir l'évolution des vers à soie, de l'œuf au cocon.
Puis les oeuvres de l'artiste à base de cocons de vers à soie
Un grand cercle de cocons dessine dans l'espace la mécanique circulaire des métiers à dentelle. La succession des fils forme un dôme blanc en convergeant vers le centre, en évoquant la géologie étonnante de cette région volcanique, mais aussi la beauté simple et architecturale des métiers à tisser. Au sommet apparait le ruban de dentelle qui s'élance. C'est une installation très fragile, délimitée par des bouts de dentelle à ne pas dépasser.
La visite est finie.
En résumé, Tous les registres, carnets, répertoires, courriers de l'entreprise avaient été laissés sur place. Ont même été retrouvées, des lettres envoyées par des grossistes de Sydney".
"L'image ringarde de la dentelle du Puy, des napperons sur la télévision, et le côté folklorique des dentellières, avec leur coiffe et leur châle, ont occulté la réalité de la mondialisation du commerce".
Les dentellières travaillaient chez elles, maniant, agenouillées dans la paille, les fuseaux de bois sur leur carreau, sorte de coussin à armature de bois, rembourré de paille et protégé par une toile cirée. Les manufactures passaient commandes et fournissaient modèles et fils.
Dans l'atelier de la manufacture, des dessinateurs concevaient les modèles, et des ouvrières assemblaient les vêtements et le linge de table ou liturgique qui étaient expédiés d'abord à dos de mulets, puis en train et en bateau à travers l'Europe et dans le monde.
En 1997, la mairie de Retournac a racheté une deuxième manufacture, "Claire Experton et Cie", dirigée par la soeur d'Auguste. Le bâtiment, agrandi, est devenu le Musée des manufactures de dentelles. Sur 1 200 mètres, quelque 2 000 pièces y sont exposées. Elles proviennent pour l'essentiel de la manufacture d'Auguste Experton, trop petite pour être transformé en musée.
Le sous-sol, entièrement refait, sert de réserves. En dix ans, un quart seulement du fonds de la manufacture de dentelles a été inventorié.
A la sortie, se trouve une boutique avec de bien jolies créations.
Tout autour, de la dentelle dans tous ses états, et notre hôtesse qui préparait ses fuseaux pour un travail qui vient de loin.
Il est temps de quitter le lieu, après ce billet bien long, je l'avoue.
J'espère que cet endroit magique vous aura plu autant qu'à moi.
Bisous tout plein !