La maison de la Vache qui rit (2)
Léon Bel et la Première Guerre
Léon Bel, mobilisé à 36 ans, est affecté aux escadrons du « Train », au « Ravitaillement en Viande Fraîche », dont la mission était de convoyer la viande vers les soldats du front à bord d’autobus de la Ville de Paris réquisitionnés pour l’occasion !
Les soldats commencèrent à dessiner sur les véhicules des « insignes », souvent humoristiques, permettant d’identifier les différentes unités. Le commandant du RVF B70, écrivit à Benjamin Rabier, un illustrateur renommé, qui lui renverra l’image d’un bœuf souriant, qu’un poilu irrévérencieux eut l’idée de baptiser « La Wachkyrie », en référence aux Walkyries si chères aux Allemands…
Le fromage fondu
Au même moment en 1917, Emile, Otto et Gottfried Graf, des Suisses, importent en France la technique de fabrication du fromage fondu, mise au point en Suisse en 1907 par Gerber. Le nouveau fromage est encore inconnu, mais il a de l’avenir : il est bon, économique et sa pâte goûteuse conditionnée dans des boîtes métalliques supporte les longs voyages et les climats chauds.
La première Vache qui rit
De retour à Lons en 1919, Léon Bel reprend les rênes de son entreprise. Son esprit clairvoyant va faire merveille : il pressent l’immense succès du fromage fondu dans ce monde d’après-guerre. Pour lancer sa propre marque, il fait appel au savoir-faire d’Emile Graf, et s’installe dans l’atelier dit « de l’Aubépin.
Le 16 avril 1921, Léon Bel dépose la marque La vache qui rit. Lui vient l’idée de s’inspirer de l’insigne du RVF B70 pour représenter une vache en pied avec une expression hilare.
Léon voit grand. Il fonde en 1922 la « Société Anonyme des Fromageries Bel », société qu’il dirigera jusqu’en 1937, et qu’il transmettra à son gendre Robert Fiévet. Face au succès rapide de sa nouvelle marque, Léon Bel équipe dès 1924 l’atelier de machines modernes permettant d’augmenter la production tout en améliorant les conditions de travail des ouvriers. C’était également l’occasion de mettre au point la couleuse à portions triangulaires, enveloppées au départ dans un papier d’étain et disposée désormais dans des boîtes en carton. Dès la première année il se vend 12.000 boîtes par jour.
Le succès, la naissance d’une image de marque
Léon Bel cherche à faire évoluer l’image de la Vache qui rit. En 1923, il saute le pas en utilisant le dessin de Benjamin Rabier qui lui donne l’aspect sympathique et humain qui lui manquait. Il charge l’imprimeur Vercasson de teinter cette tête de vache en rouge et sur les conseils de sa femme, Anne-Marie, de la parer de boucles d’oreilles en forme de boîte de Vache qui rit. Une manière de féminiser cette vache qui donne son lait pour faire de bons fromages.
La communication
Dès ces premières années, La vache qui rit communique sur un ton souriant et décalé qui ne la quittera jamais. Elle est devenue une starlette dont s’amuse Joséphine Baker. Elle communique dans la presse, participe aux premiers balbutiements de la publicité radiophonique : on entend sur les ondes la chanson « C’est la Vache qui rit », de Jean Rodor et chantée par le bien nommé Constantin le Rieur… En 1935 et 1936 la marque organise également de grands concours permettant de gagner de superbes lots. A partir de 1933, les boîtes de VQR contiennent des images à collectionner qui en font une marque à succès auprès des enfants.
La Vache qui rit sera la première à soutenir les évènements sportifs, grâce à la populaire course cycliste, les Six jours de Paris en 1925, avant de participer à la Caravane du Tour de France dès 1933.
Les nombreuses foires expositions permettent de faire connaître la marque et ses produits dans des constructions aussi éphémères qu’inventives (Salon des Arts décoratifs en 1925, au Salon des Arts ménagers en 1930 et à la Foire de Paris en 1935).
La publicité
Une agence de publicité va porter le nouveau visage de la marque, l’agence Chavane : avec le slogan « La Vache qui rit est un fromage et un bon fromage », elle fait partie de la vie quotidienne, elle s’affiche dans la rue, dans le métro, à l’arrière des autobus, dans la presse, dans les salles de cinéma, voir même dans une émission de radio pour enfants animée par Alain saint-Ogan « La Vache qui rit au Paradis des animaux ». Elle conçoit aussi la panoplie de l’écolier des années 50, avec des protège-cahiers et des buvards grâce au concours des plus grands illustrateurs de l’époque.
La distribution
Pour acheminer les fromages vers les points de vente au détail, Bel a recours à des grossistes, détaillants, coopératives, soit environ 3.000 grands clients. Il dispose de ses propres dépôts dans toutes les grandes villes de France, d’un réseau de représentants et d’une flotte de véhicules estampillés Vache qui rit. Ces détaillants sont particulièrement choyés par l’entreprise : elle leur fournit du matériel publicitaire qui viendra décorer la boutique. Plaques émaillées, calendriers ou horloges indiquent que la « maison » vend bien la célèbre Vache qui rit.
L'histoire n'est pas finie, elle reprendra au prochain billet.
En attendant, plein de bisettes