Brioude – Hôtel de la dentelle
Je vous ai fait visiter Brioude au travers de deux billets. Toutefois, il me reste à vous montrer, au cœur de la vieille ville, un bel hôtel particulier des XVème et XVIIIème siècles, caractérisé par de larges baies romanes et, à l’intérieur, par une peinture murale du XVIème siècle, ayant appartenu aux Chanoines - Comtes de Brioude, et qui abrite l'hôtel de la dentelle.
La façade sur rue, le mur intérieur recouvert d'une peinture représentant l'Annonciation sont inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 25 avril 19631.
Cet hôtel héberge l'association qui prit son nom. Fondée dans les années 1980 à l'initiative d'Odette Arpin. Cette association vise à mettre en avant un savoir-faire traditionnel local devenu un art, la dentelle des pays du Puy. Quatre des Meilleures Ouvrières de France y animent des cours et assurent la pérennité de la dentelle dite « de Cluny » en créant des modèles contemporains remarquables. L'ensemble des techniques mises en œuvre dans la création et la réalisation de ces nouveaux modèles constitue « le Cluny de Brioude » », un style de dentelle contemporaine en couleur.
C’est l’Académie du point d’esprit ! Une référence, un tour de main particulier décliné dans un stage spécial qui rend accessible ce point tant redouté.
Le point d’esprit est tissé par-dessus la dentelle pour rester en relief.
Sur 4 niveaux, on pénètre dans l’univers de la dentelle aux fuseaux. On prend plaisir à découvrir ses multiples facettes, et les trésors exposés- du passé proche jusqu’à 150 ans en arrière grâce à la collection du Conservatoire des Textiles Anciens (CATHLAV). L’Atelier est visible et une vidéo de 15 minutes retrace la fabrication des dentelles de couleur, l’évolution historique, la technique, de cet espace de vie et de travail consacré à la beauté du geste.
Avant de vous emmener à l’intérieur, je tiens à vous préciser que vous ne verrez pas tout ce que j’ai pu découvrir. En effet, les photos y sont interdites.
On entre par la boutique qui propose non seulement des créations mais aussi le nécessaire de la dentellerie.
On monte directement au quatrième étage. Ici, j’ai quand même pu vous ramener des images de jolis trésors qu’on y trouve. Des dentelles, cartons, catalogues de magasins, de représentants, planches de modèles, aunes, demi-aune, bobinoirs, dévidoirs, piquoirs, carreaux, fuseaux, « piquaïres », chaleils (petites lampes à huile), delhi (dentelle), une collection de plioirs allant du 17ème au 20ème siècle, du petit mobilier de dentellier, divers écheveaux, bobines et autres textiles, des matériaux de passementerie…
Après avoir visionné un film d’une quinzaine de minutes, expliquant l’origine et le but de cet hôtel, on descend vers les étages inférieurs.
On découvre d’abord, derrière une vitre, un atelier de création, parce que l’hôtel de la dentelle est aussi un centre d'enseignement qui propose des stages et des formations diplômantes. D’ici sont sorties quatre meilleures ouvrières de France, depuis la création de l’association. Même si les photos ne sont pas permises, Internet est une bonne source d’approvisionnement…
On y trouve des salles d'exposition, où l'on peut contempler des œuvres aussi bien du passé de plus de 150 ans que des œuvres contemporaines.
Les nombreuses dentelles exceptionnelles présentées rendent compte de la diversité de la production traditionnelle de la dentelle du Puy (cols, robes, dessus d’autel, …) mais également du caractère véritablement européen de cet artisanat qui englobe différentes techniques (crochet, aiguille, fuseaux) et divers styles (Alençon, Bayeux, Valenciennes, Milan, Cluny, Bruges, Bruxelles…).
Les matériels exposés (carreaux, bobinoirs, fuseaux, plioirs.) permettent quant à eux, de mesurer l'importance économique qu'a toujours représenté cette activité pour le département de la Haute-Loire, et d'aborder de grands thèmes comme la dentelle en tant que marqueur social, les politiques précoces d’import / export, les échanges commerciaux avec l’Europe et les Amériques, la révolution industrielle, la décolonisation, etc...
Il comprend des dentelles exécutées dans une optique de recherche, des collections d'usage, dédiées aux arts de la table ou destinées à la Haute Couture et aux accessoires du vêtement.
Les dernières créations sont surtout décoratives.
Entre photos du Net, et quelques-unes quand même volées quand on ne me regardait pas, celles que j’ai prises du film que j’ai visionné, voici la suite de la visite :
Ici, on travaille la couleur et les formes en relief, tout en respectant ce fameux point de Cluny. Des fleurs naissent sous les fuseaux, des rubis, des saphirs aussi.
Une œuvre particulière y a sa place. Un grand saumon (parce qu’à Brioude, il y a la maison du saumon – que je n’ai pas visitée, par manque d’intérêt -, un musée/aquarium. La raison en est que l’Allier, qui longe Brioude, peut ponctuellement jouer le rôle de zones refuges pour les saumons. Ce poisson a été réalisé autour d’un moule.
La couleur s’ajuste pour parer des vêtements ou des accessoires. Le blanc se fait tableaux, comme le portrait de Lafayette. Les fuseaux se font artistes et créatifs, comme ce projet de Tour Eiffel qui verra bientôt le jour, n’étant, pour le moment, qu'un plan sur le papier.
C’est aussi un conservatoire des arts textiles. En effet, au sous-sol des centaines, voire des milliers de pièces anciennes sont rangées, répertoriées pour la plupart, même s’il en reste encore qui ne le sont pas.
Dans la salle du rez-de-chaussée se trouvent de magnifiques robes anciennes ou de grands couturiers, avec divers accessoires.
En 1996, le Cluny polychrome de Brioude fut consacré par le monde de la Haute Couture. Sous l’œil d’Oscar de la Renta et de John Galiano, un échantillon créé ici devint un bustier complet pour la maison Balmain. Mille deux cents heures de travail ! Il fut édité deux fois. Un pour les USA, l’autre est parti en Arabie Saoudite. D’autres couturiers, notamment la maison Dior ont demandé des croquis. Odette Arpin a alors dessiné des modèles de galons, un haut délicat de robe de baptême pour la dentellière italienne Rosa Alba.
Toutefois, la dentelle du Puy revenant excessivement cher, les grands couturiers n’ont pas persisté dans leurs demandes.
On poursuit la visite par une petite cour, au bout de laquelle se trouve une petite salle où se trouve la copie de la fameuse peinture murale du XVIème siècle dont je vous ai parlé au début.
Quelques images du Net pour finir ce billet et vous exposer une dernière fois le point de Cluny.
C’est vraiment un bel endroit. L’ambiance est différente de celle de Retournac. Même si des pièces anciennes se font la part belle, on accède à une évolution artistique de cette dentelle. On est déjà dans le haut de gamme, avec des créations sophistiquées et colorées, le volume en prime pour certaines pièces. Tout en partageant le savoir-faire par des formations qualifiées et de qualité, ce lieux accueille aussi des expositions temporaires.
Un dernier coup d’œil à la façade, avant de quitter les lieux, la tête dans les nuages, d’avoir vu tant de beautés.
Même si j’ai pu faire peu de photos, j’espère que vous aurez compris qu’à Brioude, on passe à un autre stade de la création des dentelles aux fuseaux. Ce n’est plus la production à grande échelle pour le quidam. On monte en gamme, on est dans le luxe.
Mais je vais vous surprendre ! Il y a encore mieux ! Plus travaillé, plus haut de gamme ! Je vous en parlerai quand nous serons au Puy en Velay…
En attendant, il reste des choses à visiter en ma présence. D’ici là, je vous fais de gros poutous. A très vite pour la suite.